Stocker du CO2? Mais bien sûr!

Les sols stockent trois fois plus de carbone que l’atmosphère – si vous les laissez faire. Ils sont donc des puits naturels de CO2 idéaux. Mais cela représente un défi pour les exploitants agricoles. Afin d’exploiter pleinement le potentiel des sols, ceux-ci doivent prendre le temps de cultiver les terres arables avec soin et méthode. Un projet pilote de la fondation Bio-Stiftung Schweiz et de myclimate soutient cette forme d’agriculture respectueuse du climat et des sols. Les collaborateurs de myclimate ont ainsi visité deux exploitations participantes.

L’érosion des sols et la perte d’humus constituent un problème majeur dans le monde entier. Les terres agricoles s’appauvrissent continuellement en humus en raison de la culture intensive qui diminue leur fertilité. De même, la teneur globale en éléments nutritifs des sols cultivés dans le cadre de l’agriculture biologique diminue, car les mesures de conservation et de développement à long terme de l’humus sont coûteuses et chronophages. C’est là qu’intervient le programme «Des sols fertiles comme puits naturels de CO₂» de la fondation Bio-Stiftung Schweiz et de myclimate, qui soutient les mesures de développement de l’humus par le biais de conseils, d’échanges et de subventions. Ce projet pilote lancé en 2018 durera environ sept ans.  

Comme pour tous les projets de protection climatique de myclimate, nous suivons ce projet de près pour pouvoir discuter de la situation, des succès et des défis à relever concernant les activités du projet. Cette année, nos collègues se sont rendus dans deux exploitations allemandes. 

La première était une ferme Demeter dans le Bade-Wurtemberg. Pour se rendre à la ferme de Steffen Hofmann, nous sommes d’abord passés par Heilbronn. L’exploitation familiale de M. Hofmann se situe à environ 60 km de là. Elle s’étend sur 200 hectares de terres agricoles et compte une centaine de vaches laitières ainsi que quelques poules. Sur place, nous avons rencontré Ulrich Hampl, expert agronome de la fondation Bio-Stiftung Schweiz, qui visite les 29 exploitations participantes deux fois par an.  

Trois générations de la famille Hofmann vivent ensemble sur cette ferme gérée en biodynamie depuis 1986. L’une des spécificités de cette région est la culture et la vente d’épeautre vert. Il s’agit d’épeautre récolté avant sa maturité et séché au feu de bois. Le séchage, également appelé touraillage, consiste à sécher les grains à l’aide de la chaleur, ce qui en améliore la durée de conservation. L’«épeautre vert de Franconie» ainsi obtenu est une spécialité protégée dont la ferme est fière.   

Aujourd’hui, nous découvrons comment le projet de fertilité des sols y est mis en œuvre. Ce projet fait partie des mesures de protection du climat basées sur la nature et soutient des fermes bio en Allemagne, en Autriche et en Suisse. L’objectif est d’augmenter le stockage de carbone dans le sol. Le carbone provient de l’air que les plantes prélèvent par photosynthèse et stockent dans le sol par leurs racines et leurs micro-organismes. C’est important non seulement pour la protection du climat, mais aussi pour l’adaptation régionale au climat et la fertilité des sols. En effet, un sol sain est plus résilient, c’est-à-dire plus résistant, surtout en cas de conditions météorologiques extrêmes telles que de fortes précipitations ou des périodes de sécheresse. 

Pour augmenter la teneur en carbone du sol, il faut augmenter sa teneur en humus. De nombreuses mesures peuvent être prises à cet effet. Ce projet dresse le bilan de deux mesures: 

  1. le travail plus délicat du sol, avec seulement un ameublissement superficiel du sol sans retourner la terre, ni mélanger les couches du sol; 

  1. l’adaptation de l’assolement et/ou l’apport ou la valorisation d’engrais verts, de cultures intermédiaires ou de sous-ensemencements. 

Nous commençons la visite de la ferme par les champs. L’expert agricole Ulrich Hampl prélève des échantillons à la bêche sur certaines des surfaces du projet. Les conditions du sol permettent déjà d’en dire beaucoup sur la teneur en humus et la fertilité du sol. Voilà déjà 30 ans que ce spécialiste applique cette méthode à la fois simple et très pertinente. «Aujourd’hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi les tracteurs ne sont pas équipés d’un support pour bêche. Cela permettrait à un agriculteur de contrôler facilement et rapidement les conditions du sol à tout moment et de prendre des décisions éclairées en matière d’exploitation», explique M. Hampl à propos de ses activités sur le terrain. L’échantillonnage régulier et clair réalisé à la bêche est complété par des échantillons de sol prélevés avant et à la fin du projet. Cela permet de vérifier la plausibilité d’une teneur en carbone plus élevée dans le sol.  

Sur seulement quelques mètres carrés, on se rend vite compte à quel point le sol est différent.  Dans les champs, nous observons les engrais verts utilisés. Dans un champ, un mélange de graines composé de pois de senteur, de pois et de tournesols a été planté. Dans le deuxième champ, nous abordons déjà l’une des difficultés du projet et de l’agriculture. L’agriculteur a semé des féveroles. Mais à cause du mauvais temps, les graines n’ont pas poussé. Hofmann a alors décidé d’acheter de nouvelles semences et d’utiliser de la moutarde comme engrais vert. Il a réussi! La mesure prise pour cette surface peut donc encore être inscrite au bilan du projet pour cette année.  

«La météo joue un rôle décisif. S’il pleut trop ou pas assez ou si les températures varient trop fortement, cela peut entraîner la perte de la récolte ou une baisse du rendement. C’est toujours la loterie», explique M. Hofmann.  

Le second semis a été très important pour atteindre l’objectif du projet. Chaque année, la quantité d’hectares de terres pouvant être pris en compte dans le calcul de la capacité de stockage du CO2 est évaluée en concertation avec les agriculteurs. Si, par exemple, l’agriculteur doit recourir à la charrue en raison de l’assolement ou de la nature du sol, ces superficies ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul de l’année. L’exploitation reçoit malgré tout une rémunération si les mesures ont été mises en œuvre et si les critères de participation restent remplis. En leur assurant ce financement, la fondation Bio-Stiftung Schweiz et myclimate veulent soutenir les agriculteurs et agricultrices engagés et minimiser les risques. 

Notre première visite à la ferme prend fin environ deux heures plus tard. Nous sommes attendus à peine 40 km plus loin à la ferme Haaghof de Walter Kress. Celui-ci travaille en agriculture biologique depuis 43 ans. De nombreux essais pratiques ont déjà eu lieu sur sa ferme. En tant que constructeur de machines, M. Kress a fait figure de pionnier dans le développement technique d’une exploitation écologique, dont l’objectif est de réduire la dégradation des sols causée par les machines agricoles.

Ce qui l’encourage particulièrement à participer au projet, c’est l’échange avec d’autres agriculteurs-trices. L’ensemble des participant-e-s se donne rendez-vous chaque année. Ils abordent leurs succès et leurs difficultés.

«Il est essentiel que l’être humain soit stimulé par de nouvelles personnes. Ce n’est qu’en échangeant que nous pourrons apprendre les uns des autres et emprunter de nouveaux chemins en agriculture», souligne M. Kress. Son objectif est notamment de poursuivre le développement des cultures intermédiaires.  

Sur ses 6 hectares de terre, il essaie sans cesse de nouvelles méthodes de culture, ce qui lui permet d’acquérir une précieuse expérience qu’il partage avec les autres agriculteurs. «La petite taille de ma ferme me permet de prendre plus de risques qu’une exploitation plus grande, pour laquelle une mauvaise récolte ou de mauvais rendements causent des dommages beaucoup plus importants.» La Haaghof est une entreprise familiale. Au fil des ans, de plus en plus de surfaces louées ont dû être cédées. Il n’était pas possible d’acheter de nouvelles terres agricoles autour de la ferme, car elles n’existaient tout simplement pas. La famille a donc dû trouver une deuxième source de revenu il y a quelque temps déjà. 

Nous terminons notre visite dans la grange. M. Kress nous montre ses machines. Il s’agit notamment de bineuses à rouleaux et à doigts que nous avons créées et qui sont aujourd’hui devenues la norme en agriculture. «Nous avons nous-mêmes créé ces machines et les avons vendues à des agriculteurs par l’intermédiaire de l’entreprise Kress & Co», raconte cet agriculteur innovant à propos de son travail.  

Cette année, tous les objectifs du projet ont été atteints sur sa ferme. Autour d’un café et d’un gâteau, cette fois dans sa maison, nous parlons encore des évolutions et de sa vaste expérience acquise au cours de plus de 30 ans de pratique de l’agriculture biologique.  

À la fin de la journée, nous repartons avec de nombreuses impressions et beaucoup plus de connaissances. Ces visites de projets resteront gravées dans nos mémoires.» 

 

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